dimanche 3 janvier 2016

UN FILM SUR RIMBAUD

Nous continuons ici à
vaillantiser Vaillant !


















Samedi 9 janvier 2016
AG à Lignières 
(Précisions attendues sur la confirmation, le lieu et l'heure)





Je viens de recevoir un mail de Michel Pinglaut qui me paraît avoir un intérêt très largement collectif, au point que je le retiens aussi pour la suggestion de films possibles pour mon association Ciné Rencontres (au Ciné Lumière de Vierzon).






Patrick Taliercio, 1h35, 2015


LA SECONDE FUGUE D'ARTHUR RIMBAUD




Comme je ne crois plus au Père Noël, le "bonhomme Janvier", païen et populaire de mon enfance a délégué mes proches belges pour m'offrir un DVD:"la seconde fugue d'Arthur Rimbaud", un film de Patrick TALIERCIO, 95 min, sorti en 2015..Il est accompagné d'un livret de 12 pages couleurs.
Plusieurs des sonnets les plus célèbres  de Rimbaud(1854-1891) ont probablement été écrits au cours de la seconde fugue rimbaldienne, de Charleville-Mézières jusqu'à Charleroi, en octobre 1870. Il avait 16 ans. Le réalisateur a suivi le parcours de l'homme aux semelles de vent, pour confronter le contenu des poèmes  aux traces restantes et à la réalité contemporaine:paysages et habitants. Rimbaud est-il toujours présent?
"Rêvé pour l'hiver", écrit en wagon, le 7 octobre 1870, "le cabaret vert", la "maline"," l'éclatante victoire de Sarrebruck", font directement référence au voyage en train,à une auberge de Charleroi,, à une illustration en vitrine...Sont évoqués aussi " le forgeron", "le buffet" et le célébrissime "dormeur du val".
Le réalisateur, en caméra vérité, filme les réalités d'une vallée de la Meuse industrielle, en chute libre économique,  depuis 1688 et la création d'une manufacture d'armes à Charleville jusqu'à la liquidation de Cellatex à Givey, le démantèlement  des ateliers Thomé-Genot qui fabriquent des alternateurs d'automobiles à Nouzonville et de la boulonnerie Lenoir et Mernier à Bogny-sur-Meuse, la fermeture du site Sopal à Givet et la délocalisation  de Revin, en Pologne, pour les 15 premières années du XXIe siècle. Alors, Rimbaud dans tout cela? ...
Le livre DVD, nous donne aussi accès au site en ligne "la seconde fugue" *,pour des conversations filmées à Charleville,un entretien avec Steeve Murphy sur les poèmes de Rimbaud de 1870, la rencontre avec l'association "les Amis d'A.Rimbaud", une interprétation du poème "l'homme juste",un entretien sur les "portraits ovales" de Carjat, l'évocation du déboulonnage de la Colonne Vendôme, la France de Vichy célébrant Napoléon III en 2008, la mise en images d'un poème de Victor Hugo, les exploits sedanais de la cavalerie pendant la défaite française de 1870, des conversations en train, des occupations d'usines, prières dans les rues de Paris autour de la visite du pape Benoît XVI à Paris...
Mais surtout, la découverte d'un écrit inédit de Rimbaud: "le rêve de Bismarck". A voir absolument sur le site.




Michel Pinglaut



Voici le texte :


Arthur Rimbaud
Le rêve de Bismarck
1870

C'est le soir. Sous sa tente, pleine de silence et de rêve, Bismarck, un doigt sur la carte de France, médite ; de son immense pipe s'échappe un filet bleu.
Bismarck médite. Son petit index crochu chemine, sur le vélin, du Rhin à la Moselle, de la Moselle à la Seine ; de l'ongle, il a rayé imperceptiblement le papier autour de Strasbourg : il passe outre.
À Sarrebruck, à Wissembourg, à Woerth, à Sedan, il tressaille, le petit doigt crochu : il caresse Nancy, égratigne Bitche et Phalsbourg, raie Metz, trace sur les frontières de petites lignes brisées, — et s'arrête...
Triomphant, Bismarck a couvert de son index l'Alsace et la Lorraine ! — Oh ! sous son crâne jaune, quels délires d'avare ! Quels délicieux nuages de fumée répand sa pipe bienheureuse !... Bismarck médite. Tiens ! un gros point noir semble arrêter l'index frétillant. C'est Paris. Donc, le petit ongle mauvais, de rayer, de rayer le papier, de ci, de là, avec rage, enfin, de s'arrêter... Le doigt reste là, moitié plié, immobile.
Paris ! Paris ! — Puis, le bonhomme a tant rêvé, l'œil ouvert, que, doucement, la somnolence s'empare de lui : son front se penche vers le papier ; machinalement, le fourneau de sa pipe, échappée à ses lèvres, s'abat sur le vilain point noir...
Hi ! povero ! en abandonnant sa pauvre tête, son nez, le nez de M. Otto de Bismarck, s'est plongé dans le fourneau ardent... Hi ! povero ! va povero ! dans le fourneau incandescent de la pipe..., Hi ! povero ! Son index était sur Paris !... Fini, le rêve glorieux !
Il était si fin, si spirituel, si heureux, ce nez de vieux premier diplomate ! — Cachez, cachez ce nez !...
Eh bien ! mon cher, quand, pour partager la choucroute royale, vous rentrerez au palais [mots illisibles] avec des crimes de... dame [mots illisibles] dans l'histoire, vous porterez éternellement votre nez carbonisé entre vos yeux stupides!...
(Lignes manquantes)
Voilà, fallait pas rêvasser !

 Paru, le 25 novembre 1870, dans « Le progrès des Ardennes ».


Les Amies et amis de la Commune de Paris, quand ils ont visité l'exposition le 7 novembre à la médiathèque de Vierzon, ont pu voir, comme tous les visiteurs qui se sont succédé jusqu'au 28 novembre, la gravure de Daumier sur le songe de Bismarck. Rappelons que les vitrines de l'exposition étaient alimentées par des documents de Roger Coulon.






Extraits du texte publié sur le site :


Une caricature

Sous le patronage de Daumier. Le Rêve de Bismarck fait peut-être référence à « Un cauchemar de Monsieur de Bismarck » caricature publiée dans Le Charivari pendant l'été.

Delahaye insiste beaucoup sur ce goût de Rimbaud pour la caricature. Steve Murphy a montré l'importance qu'elle avait pour comprendre des poèmes comme Chant de guerre parisien, L'enfant qui ramassa les balles... qui font directement référence à des oeuvres graphiques du moment.

La veine caricaturale qui s'impose progressivement dans l'oeuvre de Rimbaud représente peut-être son véritable élan vers la poésie populaire.

La période des sonnets du recueil Demeny que nous considérons nous comme le Rimbaud le plus accessible n’est devenue populaire, scolaire que très tard.
Drame du poète engagé dans un monde d'avant l'instruction obligatoire. Ce n'est pas Jean-Baptiste Clément. Il écrit pour et sur des gens analphabètes qui ne le liront jamais. Il ne peut être compris que de ses ennemis politiques. L'école obligatoire n'a d'ailleurs pas fondamentalement changé la donne.


2°) Pourquoi un texte si déroutant sur le plan politique ?

* Rimbaud patriote

Ce texte apporte surtout à l’exégète la confirmation du patriotisme qu’on supposait chez le Rimbaud de cette période. Ce qui infirme un peu plus la pertinence d’une lecture pacifiste du Dormeur du Val. Ceux qui ont hurlé que Rimbaud ne pouvait pas être patriote retardent. Il était défaitiste et anti-guerre jusqu'à la chute de l'Empire puis patriote dès qu'il s'est agi de défendre la République comme toute la gauche et même une partie de la droite à ce moment-là.

* Rimbaud plus modéré qu'on ne croyait ?

Mais Le Rêve de Bismarck est un poème qui n’apparaît pas vraiment où l’on pouvait l’attendre sur une ligne de radicalisation croissante allant supposément du Forgeron à Chant de guerre parisien. Les analyses les plus conséquentes du Forgeron (celle de Marc Ascione en 1985 en particulier ) supposaient une radicalisation politique entre les deux versions successives du texte. La redatation de la scène du poème, entre autres, qui passe de « vers le 20 juin 1792 » à « vers le 10 août 1792 », tendait à indiquer que Rimbaud se positionnait pour une révolution populaire et violente dés le mois d’octobre.

L'analyse du Dormeur du Val par Steve Murphy de 1991 supposait qu'il représentait une mise en accusation du gouvernement de la défense nationale.

* Le quatre-septembrisme

Le Rêve de Bismarck semble en somme plutôt appartenir à cette inspiration que Georges Izambard désignait sous le terme de « quatre-septembriste » et qui aurait donc, selon toute probabilité, duré jusqu’à l’hiver 1870, avant que Rimbaud ne devienne à proprement parler le poète communard que l’on sait.

Quatre-septembriste, c'est-à-dire quelqu'un qui soutient la République et le gouvernement contre l'ennemi intérieur et extérieur et prône au besoin l'Union sacrée derrière le gouvernement.

Brocarder en novembre le chancelier allemand sans faire aucune référence aux errements du camp français, cela ne revenait-il pas à soutenir une Union Sacrée à laquelle les éléments les plus radicaux de la gauche parisienne ne souscrivaient plus depuis déjà longtemps ?

Bien que tous critiques à l’égard du gouvernement de Jules Favre, qui recyclait essentiellement de vieilles potiches de l’opposition impériale, tous les leaders révolutionnaires d’alors ; d’Auguste Blanqui à Félix Pyat en passant par Karl Marx, sont quatre-septembristes au 4 septembre. Ils soutiennent la République contre l’ennemi monarchiste, étranger et intérieur. Mais à partir de la mi-septembre, les oppositions recommencent à se formuler par voix de presse et les différentes tendances de l’extrême gauche se désolidarisent une à une du gouvernement au risque de passer pour être financées par Bismarck. Ceux qui sont déjà pour la Commune de Paris n'apparaissent réellement que mi-septembre et se divisent assez vite en deux clans : ceux qui sont pour le coup de force (autour de Blanqui) et ceux qui sont pour le vote (pratiquement tous les autres, dont Hugo, dont Pyat...)

* Positionnement réel ou stratégique ou de circonstance ?

Il est possible que l'on ait surestimé le degré de radicalité des poèmes antérieurs ou que leur datation soit inexacte. Même la lettre de protestation de Douai ne positionne pas encore Rimbaud comme communard mais bien comme défenseur du gouvernement contre les résistances provinciales.

Au plan littéraire, inséparable ici du plan politique, la distance critique vis-à-vis de Victor Hugo, que Steve Murphy pense pouvoir déceler dans Le Forgeron, est loin d’être manifeste.

* Le Rappel

En signant Baudry, Rimbaud fait référence à une oeuvre de Jules Vacquerie qui faisait alors partie autour de Hugo de l'équipe du Rappel, journal créé au printemps 1870 devenu l'organe des quatre-septembristes. Adoption du calendrier révolutionnaire, premier et durable partisan de l’Union Sacrée, défenseur d’une République obtenue par des moyens pacifiques, ne s’autorisera de critiques mesurées du gouvernement qu’à partir du mois de décembre.

Après avoir passé en revue les différents leaders d’une extrême gauche qu’il ne porte guère dans son cœur, Francisque Sarcey (Le siège de Paris, impressions et souvenirs paru en 1871), lui-même journaliste au Gaulois, évoque les « citoyens du Rappel, Vacquerie, Paul Meurice, et les fils Hugo », qui, selon lui, « n’étaient pas précisément de cette bande. Ils ne hurlaient pas avec les loups, ils aboyaient derrière. ».

* Le Rappel local

Le Progrès des Ardennes était l'équivalent du Rappel au niveau local. Il ne se radicalise -s'il se radicalise- probablement qu'ensuite.

« Pour  combattre le prussien, écrit Jacoby dans son premier édito, nous avons besoin de francs-tireurs ; pour combattre les causes qui l’ont amené dans nos foyers, nous avons besoin de francs parleurs. » Mais il prévient néanmoins : « Aussi bien que les lâches, les soldats qui se laissent emporter par une ardeur irréfléchie peuvent compromettre le succès d’une bataille. » Un tel propos à ce moment-là faisait plus écho au discours de Ledru-Rollin du 28 octobre où le vieux leader appelait à constituer la Commune par des moyens pacifiques qu’au coup de force du 31 octobre, que Jacoby semble ici allusivement désapprouver sinon prudemment omettre de soutenir.

Le Rêve Bismarck représenterait en somme ce que j'ai appelé « la dernière tentation quatre-septembriste » d'Arthur Rimbaud. C'est probablement dans l'hiver 1870-1871 qu'il se radicalise et devient communard.


3°) Pourquoi n'a-t-il pas été découvert avant par des spécialistes ?


- Il y a un interdit intellectuel sur la période historique qu’a connu Rimbaud, aussi bien la Commune que les débuts de la troisième république, puisque l'une est ce que ne veut plus être ce qu'on appelle encore communément « la gauche » et l'autre est sans doute ce qu'une bonne partie de la droite voulait être en 2008 sans oser vraiment le dire, c'est-à-dire un régime de redressement national.

On a fini par dépolitiser Rimbaud après avoir longtemps procédé à des annexions bourgeoise, surréaliste ou communiste du personnage (cf. Etiemble). La dépolitisation prend surtout la forme de la mise en valeur de Rimbaud comme patrimoine touristique figé. Surtout, ne touchons à rien. Conservons. Le neuf, le renouvellement coute cher. Il faut ré-empailler les icônes.

Il fallait donc quelqu’un qui ne soit rien dans le champ rimbaldien, qui vienne de l'extérieur, du cinéma, pour s’intéresser à la seconde fugue comme trajet politique autant que poétique et qui séjourne suffisamment de temps à Charleville-Mézières. Mais je ne doute pas que Le Rêve de Bismarck aurait fini par être découvert.

Patrick Taliercio

Pour le texte complet :
http://www.lasecondefugue.be/le-reve-de-bismarck







vaillantiser v tr dir 
Action de redonner tout son lustre, tout son éclat, toute son importance, à une personnalité qui la méritait amplement et que l’histoire avait oubliée malencontreusement sur le bord de son chemin. 
Plus simplement :
Action de remettre dans la lumière de l’histoire quelqu'un qui en avait été indûment écarté.  

Ex : "C’est en 2015 que pour la première fois on a vaillantisé quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était Edouard Vaillant lui-même." 

N’hésitez pas, qui que vous soyez, à l'employer partout par exemple dans des phrases du genre : Ils veulent vaillantiser Vaillant, etc. 


Et bien entendu le dérivé "vaillantisation" en découle naturellement. 




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http://vaillantitude.blogspot.fr/2015/02/1857-flaubert-acquitte.html



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La pensée d’Edouard Vaillant représente l’adaptation la plus parfaite du socialisme scientifique à notre tempérament national. 
(Jean Jaurès)




Vaillant n'est pas seulement un grand homme pour Vierzon, il est un grand homme pour l'histoire.

                                                                                                              (Vaillantitude)
























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